Bilan d'orientation scolaire et professionnelle en Belgique

Une Journée avec une Infirmière aux Urgences du CHU de Liège

Sophie, infirmière au CHU de Liège

5h45, le réveil sonne. Sophie, 32 ans, infirmière aux urgences du CHU de Liège depuis 7 ans, enfile sa tenue. Dans une heure, elle sera au cœur de l’un des services les plus intenses de Wallonie. Aujourd’hui, nous l’accompagnons pour découvrir la réalité d’un métier d’infirmier qui fascine autant qu’il exige.

6h00 – L’arrivée à l’hôpital : préparer la journée

Le briefing matinal avec l’équipe de nuit

Les néons du service des urgences ne s’éteignent jamais. Quand Sophie pousse les portes à 6h00, l’équipe de nuit termine son shift. Le CHU de Liège traite plus de 65.000 passages aux urgences par an, soit environ 180 patients par jour. Chaque minute compte.

« La transmission, c’est notre bible », explique Sophie en notant les informations critiques. Un patient en observation cardiaque en box 3, une dame âgée en attente de scanner en box 7, un jeune avec suspicion d’appendicite… La liste est longue. Les infirmières de nuit ont le visage marqué par douze heures de tension continue.

Consultation des dossiers patients prioritaires

Sophie allume son ordinateur et parcourt les dossiers électroniques. Depuis la digitalisation complète du CHU, tout est informatisé. C’est un gain de temps précieux, mais aussi une charge mentale supplémentaire. Elle repère les patients qui nécessitent une surveillance rapprochée : un diabétique avec une glycémie instable, une femme enceinte avec des contractions.

En Belgique, le temps d’attente moyen aux urgences est de 2h15 selon le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé. Mais ce chiffre cache une réalité bien plus complexe : certains patients repartent en 30 minutes, d’autres patientent 6 heures.

Vérification du matériel médical et des stocks

« On vérifie TOUT », insiste Sophie en ouvrant le chariot d’urgence. Défibrillateur chargé ? Check. Masques à oxygène ? Check. Perfusions ? Il en manque trois. Elle commande immédiatement les stocks manquants au magasin central. Aux urgences, une pénurie peut coûter des vies.

Le matériel de réanimation est contrôlé quotidiennement. Chaque box dispose de son propre équipement : saturomètre, tensiomètre, matériel d’intubation… « On ne sait jamais ce qui va arriver dans les cinq prochaines minutes », sourit Sophie, avec ce mélange de stress et d’adrénaline qui caractérise son métier.

8h00 – Les premières urgences de la matinée

Triage des patients : évaluer la gravité en quelques minutes

8h10. Une ambulance arrive, gyrophares allumés. Sophie se précipite au triage. Face à elle, un homme d’une cinquantaine d’années, visage gris, main sur le thorax. « Douleur thoracique depuis 20 minutes », annonce l’ambulancier. C’est rouge. Priorité absolue.

Le triage, c’est l’art de décider en 2 minutes qui passe en premier. Code rouge pour les urgences vitales, orange pour les urgences graves, jaune pour les cas stables, vert pour les consultations. Une erreur de jugement peut être fatale. Cette compétence s’acquiert avec l’expérience et une formation spécialisée en soins d’urgence.

Prise en charge d’un accident de la route

8h45. Les sirènes retentissent à nouveau. Accident de voiture sur l’autoroute E25. Deux victimes arrivent simultanément. L’adrénaline monte. Sophie enfile ses gants. Le médecin urgentiste arrive en courant.

« Homme, 28 ans, polytraumatisé, Glasgow 13, tension 90/60 », débite l’ambulancier. En quelques secondes, Sophie pose une voie veineuse périphérique, branche le monitoring cardiaque, découpe les vêtements du patient. Chaque geste est précis, automatique. C’est le fruit de milliers d’heures de pratique.

Autour d’elle, l’équipe s’active comme une mécanique bien huilée. Le brancardier prépare le brancard pour le scanner, la secrétaire appelle le chirurgien de garde, l’aide-soignant apporte du matériel stérile. Le travail d’équipe, c’est la clé.

Coordination avec les médecins urgentistes

« Sophie, les constantes ? » lance le docteur Lemaire sans lever les yeux du dossier. « TA 95/65, pouls 110, sat 97%, douleur 8/10 », répond-elle instantanément. Cette symbiose entre médecins et infirmiers est essentielle. Aux urgences, on ne perd pas de temps en politesses.

Le médecin prescrit de la morphine. Sophie prépare l’injection, vérifie le dosage deux fois (protocole de sécurité), l’administre. « Je surveille la douleur », confirme-t-elle. Dans quinze minutes, elle réévaluera. Rien n’est laissé au hasard.

10h00 – Gestion des urgences vitales et stress

Réanimation cardio-pulmonaire : chaque seconde compte

10h20. Le moniteur du box 5 se met à sonner. Alerte. Sophie accourt. Le patient en observation cardiaque fait un arrêt. « CODE BLEU, BOX 5 ! » hurle-t-elle dans le couloir. En 30 secondes, toute l’équipe converge.

Massage cardiaque. Sophie se relaye avec un collègue toutes les deux minutes. Compressions thoraciques à 100-120 par minute, défibrillation, adrénaline… Le protocole de réanimation est gravé dans sa mémoire. Après 8 minutes d’angoisse, le cœur repart. Soulagement collectif.

«  On ne s’habitue jamais. Mais on apprend à gérer. Sinon, on ne tiendrait pas.

Communication avec les familles dans les moments critiques

La partie la plus difficile commence : annoncer à la famille. Sophie accompagne le médecin dans la salle d’attente. Les yeux de l’épouse cherchent désespérément une réponse. « Il est stabilisé, on l’emmène en soins intensifs », explique le docteur. Sophie pose sa main sur l’épaule de la femme qui s’effondre en larmes.

Cette dimension humaine, on l’enseigne peu dans les études d’infirmier. Pourtant, c’est un pilier du métier. Savoir trouver les mots justes, rassurer sans mentir, accompagner la détresse… « Parfois, notre présence silencieuse vaut mieux que tous les discours », murmure Sophie.

Gérer ses émotions face à la détresse

Après l’urgence, le contrecoup. Sophie s’isole deux minutes dans la salle de pause. Elle inspire profondément. Le taux de burn-out chez les infirmiers en service d’urgence atteint 38% selon le SPF Santé Publique. Un chiffre alarmant qui reflète l’intensité émotionnelle du métier.

« On a mis en place des groupes de parole mensuels au CHU », explique-t-elle. « Parler de ce qu’on vit, c’est crucial pour tenir sur la durée. On ne peut pas garder ça pour soi. » La résilience, ça se construit. Ça s’apprend aussi.


12h30 – La pause déjeuner (quand elle est possible)

Entre deux urgences : décompresser en équipe

12h30. Théoriquement, c’est l’heure de la pause. Théoriquement. Sophie s’assoit à la table de la salle de repos avec son Tupperware. Autour d’elle, trois collègues avalent leur sandwich en dix minutes chrono. Les conversations oscillent entre anecdotes légères et débriefing des cas difficiles.

« Tu te souviens de la mamie de ce matin ? Elle m’a pris la main et m’a dit ‘merci, ma petite’. Ça m’a fait fondre », raconte Amandine, 26 ans, jeune infirmière. Ces petits moments de reconnaissance, c’est le carburant qui fait tenir.

Solidarité et soutien entre collègues

L’équipe, c’est une seconde famille. Quand l’un craque, les autres prennent le relais. Quand l’une doute, on la rassure. « Sans cette solidarité, je ne serais jamais restée sept ans aux urgences », affirme Sophie. Les liens tissés dans l’urgence sont indéfectibles.

Thomas, 45 ans, infirmier chef, fait le tour de la table. « Ça va, tout le monde tient le coup ? » Il connaît chacun, sait repérer les signes de fatigue, anticiper le surmenage. Son rôle de management est aussi d’être attentif au bien-être de son équipe.

Pas de vraie pause aux urgences

12h42. Le bip de Sophie retentit. « Trauma grave, ambulance dans 3 minutes. » Elle repose son sandwich à moitié entamé. « C’est reparti », soupire-t-elle avec un sourire résigné. Aux urgences, la pause complète n’existe pas vraiment.

C’est une réalité du métier qu’il faut accepter. Les horaires sont imprévisibles, les journées débordent souvent sur la relève, les temps de repos sont fractionnés. « Il faut avoir une sacrée passion pour accepter ces contraintes », reconnaît Sophie.

14h00 – Afflux de patients et gestion de crise

Les urgences pédiatriques : une spécificité du CHU

14h15. Une maman arrive en panique, son bébé de 8 mois dans les bras. « Il respire mal depuis ce matin, il a 39 de fièvre ! » Sophie la conduit immédiatement au secteur pédiatrique des urgences. Le CHU de Liège, en tant qu’hôpital universitaire, dispose d’une unité spécialisée pour les enfants.

Gérer un enfant malade, c’est aussi gérer les parents terrifiés. Sophie ausculte le nourrisson avec douceur, vérifie sa saturation, prend sa température. « Il a une bronchiolite, c’est fréquent à cet âge. On va le surveiller », explique-t-elle calmement à la mère qui se détend légèrement.

Multitâches et priorisation constante

14h30. Sophie jongle entre quatre patients simultanément. En box 2, un diabétique avec hypoglycémie. En box 6, une personne âgée déshydratée. En salle d’attente, 12 personnes patientent. Son cerveau fonctionne comme un algorithme : trier, prioriser, organiser, exécuter.

C’est épuisant mentalement. Chaque décision engage sa responsabilité professionnelle. « On développe une forme d’hypervigilance », confie-t-elle. « Notre cerveau scanne en permanence : qui va mal, qui peut attendre, qui risque de se dégrader… »

L’importance du travail en équipe multidisciplinaire

Sophie coordonne avec le radiologue pour un scanner, appelle le laboratoire pour accélérer des résultats sanguins urgents, contacte le service de cardiologie pour une admission. Les urgences sont le carrefour de toutes les spécialités médicales.

« On travaille avec des dizaines de professionnels différents chaque jour », explique-t-elle. « Médecins, aides-soignants, brancardiers, secrétaires, techniciens de labo, radiologues… Tout le monde doit être synchronisé. Un grain de sable et c’est toute la chaîne qui ralentit. »

16h00 – Formation et transmission aux jeunes infirmiers

Accompagner les étudiants en stage

16h00. Laura, 22 ans, étudiante en 3ème année de Bachelier en soins infirmiers, suit Sophie comme son ombre depuis ce matin. « Tu veux essayer de poser une voie veineuse ? » propose Sophie. Le visage de Laura s’illumine et s’inquiète en même temps.

Former les futures générations, c’est une mission que Sophie prend à cœur. « J’ai été étudiante aussi. Je me souviens de mon stress, de mes doutes. Transmettre, c’est donner au métier ce qu’il m’a donné. » Elle guide Laura étape par étape, corrige avec bienveillance, encourage.

Partager son expérience et ses techniques

« Le truc, c’est de repérer la veine au toucher d’abord, avant de piquer », explique Sophie. « Et toujours parler au patient pour le rassurer. La technique, c’est 50%. L’humain, c’est les 50% restants. » Ces petits conseils pratiques, Laura les notera précieusement dans son carnet de stage.

La Belgique compte environ 165.000 infirmiers actifs, mais les besoins explosent. Avec une pénurie estimée à 15.000 infirmiers d’ici 2030, former efficacement les étudiants devient un enjeu national.

L’évolution du métier d’infirmier en Belgique

« Le métier a énormément changé », raconte Sophie à Laura. « Quand j’ai commencé, on n’avait pas autant de responsabilités. Aujourd’hui, avec l’infirmier de pratique avancée et les nouvelles compétences, on est de plus en plus autonomes. »

Le nouveau barème IFIC a aussi revalorisé les salaires. Une infirmière aux urgences gagne désormais entre 2.800€ brut en début de carrière et jusqu’à 4.000€ brut avec l’ancienneté et les primes de nuit et week-end. « Ce n’est pas un métier qu’on fait pour l’argent, mais cette reconnaissance financière, ça compte », ajoute-t-elle.

18h00 – Fin de shift : transmission et retour à la maison

Le debriefing avec l’équipe du soir

18h00. L’équipe du soir arrive. Sophie prépare ses transmissions. Box par box, patient par patient, elle détaille les situations : « Madame Dupont en box 3 attend ses résultats de labo, à surveiller pour risque de phlébite. Monsieur Martin en box 8 a reçu sa dernière dose de morphine à 17h30… »

Ces 20 minutes de transmission sont sacrées. C’est la continuité des soins qui se joue. Une information manquante peut avoir des conséquences graves. Sophie reste concentrée malgré sa fatigue visible.

Documentation des soins et dossiers informatisés

Avant de partir, Sophie finalise ses encodages informatiques. Chaque geste posé, chaque médicament administré, chaque paramètre mesuré doit être tracé. C’est chronophage, mais essentiel pour la sécurité du patient et la protection juridique de l’infirmière.

« On passe facilement 2 heures par jour derrière l’ordinateur », soupire-t-elle. « C’est du temps qu’on ne passe pas auprès des patients, mais c’est devenu incontournable. » L’informatisation a ses avantages et ses lourdeurs.

La décompression psychologique après une journée intense

18h30. Sophie quitte enfin le CHU. Dans sa voiture, elle reste assise quelques minutes, les mains sur le volant, sans bouger. Elle décompresse. « Il faut apprendre à couper », dit-elle. « Sinon, on ramène tout chez soi et on explose. »

Certains collègues font du sport, d’autres méditent, d’autres parlent avec leur conjoint. Chacun a sa technique. Sophie, elle, écoute de la musique forte pendant le trajet retour. « Ça me vide la tête. Quand j’arrive chez moi, je veux être présente pour ma famille, pas hantée par la journée. »


Devenir infirmier aux urgences : formation et compétences

Le parcours de formation en Belgique (Bachelier en soins infirmiers)

Vous rêvez de vivre cette intensité au quotidien ? Le parcours commence par un Bachelier en soins infirmiers de 4 ans (240 ECTS), accessible dans les Hautes Écoles ou à l’université. Les études mêlent cours théoriques (anatomie, pharmacologie, pathologies) et stages pratiques dès la première année.

« Les stages, c’est là qu’on comprend vraiment le métier », témoigne Sophie. « On peut être brillant en théorie et paniquer face à son premier patient. L’inverse est vrai aussi. » La formation est exigeante, avec un taux d’échec important en première année. Il faut de la rigueur, de la persévérance et une vraie vocation.

Les spécialisations en soins d’urgence et intensifs

Après le Bachelier, pour travailler aux urgences ou en soins intensifs, une spécialisation complémentaire d’un an est vivement recommandée. Elle approfondit les techniques de réanimation, la gestion des polytraumatisés, l’interprétation des moniteurs, les protocoles d’urgence…

« Cette formation m’a sauvée », affirme Sophie. « Aux urgences, on n’a pas le temps de chercher dans les livres. Il faut que les gestes soient automatiques, que les connaissances soient intégrées. » Cette année supplémentaire fait toute la différence dans la qualité et la sécurité des soins.

Salaires et conditions de travail selon le barème IFIC

Parlons concret. En Belgique, une infirmière aux urgences démarre à environ 2.800€ brut mensuel. Avec l’ancienneté, les primes de nuit (25% de majoration), les week-ends (50%) et les jours fériés (100%), le salaire peut grimper à 3.500-4.000€ brut.

Le barème IFIC, appliqué progressivement depuis 2018, a revalorisé la fonction. « On se sent enfin reconnus », se réjouit Sophie. Mais les conditions restent exigeantes : horaires irréguliers, shifts de 12h, week-ends et jours fériés, charge physique et mentale intense.

«  Il faut aimer l’adrénaline, l’imprévu, le contact humain intense. Si on cherche la routine et la tranquillité, ce n’est clairement pas le bon service. Mais si on aime se sentir utile, vivant, challenged à chaque instant… alors bienvenue chez nous !

Chez Trajektoire, nous accompagnons chaque année des dizaines de jeunes qui rêvent de porter la blouse et de faire la différence dans la vie des patients. Le métier d’infirmier, c’est bien plus qu’un emploi : c’est une vocation qui se confirme chaque jour au contact de ceux qui souffrent et qu’on soulage.

Si ce reportage vous a touché, si vous vous voyez dans les chaussures de Sophie, peut-être est-ce le signe que cette voie est faite pour vous. Notre bilan d’orientation personnalisé peut vous aider à confirmer ce projet professionnel et à construire votre parcours de formation étape par étape.


Questions Fréquentes

Quel est le salaire d’une infirmière aux urgences en Belgique ?

Le salaire varie selon l’ancienneté et le barème IFIC. En début de carrière, une infirmière gagne environ 2.800€ brut/mois. Avec l’expérience et les primes (nuit, week-end, urgence), le salaire peut atteindre 3.500-4.000€ brut/mois.

Combien d’années d’études pour devenir infirmier en Belgique ?

Il faut compléter un Bachelier en soins infirmiers de 4 ans (240 ECTS) dans une Haute École ou à l’université. Pour travailler aux urgences, une spécialisation complémentaire en soins intensifs et urgence est recommandée (1 an).

Quelles sont les qualités essentielles pour travailler aux urgences ?

Résistance au stress, rapidité de décision, empathie, travail en équipe, capacité à gérer plusieurs tâches simultanément, et résilience émotionnelle sont indispensables. La rigueur technique est également primordiale.

Y a-t-il une pénurie d’infirmiers en Belgique ?

Oui, la Belgique fait face à une pénurie importante d’infirmiers, particulièrement aux urgences. Selon les projections, il manquera environ 15.000 infirmiers d’ici 2030, ce qui rend les perspectives d’emploi excellentes.

Peut-on faire carrière dans les soins infirmiers après les urgences ?

Absolument ! L’expérience aux urgences ouvre de nombreuses portes : spécialisations (réanimation, pédiatrie), postes de cadre infirmier, formation, ou même reconversion vers médecine d’urgence via passerelles universitaires.

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